Démolition d’un immeuble au coucher du soleil, avec des ouvriers casqués observant le processus, symbolisant un litige juridique lié à la vente et au droit de préférence.

Contexte : Un immeuble donné à bail commercial a été vendu à une SCI. La locataire qui invoquait la violation de son droit de préemption, a assigné le vendeur et l’acquéreur en annulation de la vente et en indemnisation de son préjudice. L’acquéreur a appelé le notaire en intervention forcée. Or, en cours d’instance, un incendie s’est déclaré dans l’immeuble objet de la vente, qui a été détruit en quasi-totalité.

Rappel : L’article 1601 du Code civil indique que le seul fait que la chose vendue périsse postérieurement à la vente n’implique pas que le contrat de vente soit dépourvu d’objet ; seule l’existence de la chose vendue au moment de la vente détermine si la vente en a un. 

L’article L. 145-46-1 du Code de commerce indique qu’il « appartient au propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal loué qui envisage de mettre en vente celui-ci, d’en informer son locataire en indiquant le prix et les conditions de la vente envisagée, lequel peut renoncer à exercer son droit de préférence, sauf si un mandat spécial au profit du notaire existe. La purge du droit de préférence du locataire s’impose donc au propriétaire-bailleur cédant.

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à certaines conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa et, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. »

L’action en nullité de la vente fondée sur la violation du droit de préemption du locataire n’est pas conditionnée au fait que le bail commercial soit en cours au moment où les juges statuent.

Ce qu’il faut retenir : La Cour apporte des précisions importantes en cas de vente du local loué lorsque le droit de préférence du locataire n’a pas été purgé par le bailleur, ni par le notaire.

Dans ce cas, la vente est entachée de nullité et le recours du locataire demeure même si le bien – objet du litige -disparaît.

Autrement dit, la destruction du bien vendu qui survient après la conclusion de la vente ne prive pas celle-ci de son objet. La circonstance que le locataire ne dispose plus de bail sur le bien, en raison de sa destruction postérieure à la vente, ne prive pas d’objet ses demandes d’annulation de la vente réalisée en violation de son droit de préemption et d’indemnisation de son préjudice.

La destruction de l’immeuble vendu après la vente ne prive pas le locataire de son droit d’action en annulation pour violation de son droit de préférence. Ainsi, le locataire conserve un intérêt à agir même après la destruction du bien, en raison du préjudice moral subi par la violation de son droit.

La Cour confirme de ce fait que la vente reste valide malgré la destruction ultérieure du bien, le transfert de propriété et des risques s’étant opéré au moment de l’accord sur la chose et le prix ; Elle ajoute que l’action en nullité de la vente et en indemnisation du préjudice reste recevable, même si le locataire ne dispose plus de bail suite à la destruction du bien.

Le préjudice moral résultant de la violation du droit de préférence est un motif/intérêt suffisant pour agir.

Cet arrêt renforce la protection du droit de préférence du locataire commercial, en lui permettant d’agir même après la perte du bien, et confirme l’importance du respect de cette procédure par les professionnels impliqués dans la vente.

Ø  Cour de cassation, Troisième chambre civile, 14 septembre 2023, 22-15.427