Rappel : L’art. 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 « Aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, [..] d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties. ». Lorsqu’il fait visiter à une personne l’immeuble mis en vente et que le vendeur traite avec cette personne, l’opération est réputée effectivement conclue par l’entremise de l’agent, lequel a alors droit au paiement de la commission convenue. Il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle, ni à la liberté d’entreprendre, dès lors qu’en cas d’éviction frauduleuse ayant privée l’agent de sa rémunération, une jurisprudence constante permet d’engager la responsabilité contractuelle du vendeur, et délictuelle de l’acquéreur.
Ce qu’il faut retenir : Le comportement fautif ayant entraîné une perte de rémunération pour l’agent immobilier titulaire d’un mandat exclusif de vente engage la responsabilité solidaire de l’acquéreur et des vendeurs (les mandants). Ils doivent réparation de ce préjudice à l’agent, peu importe que l’acquéreur soit ou non débiteur de la commission dans le mandat conclu avec le vendeur.
L’indemnité compensatrice, bien que prévue contractuellement pour le vendeur, n’exempte pas l’acquéreur de sa responsabilité délictuelle.
En négociant directement avec le vendeur pour exclure l’agent immobilier, l’acquéreur engage sa responsabilité solidaire pour le paiement de la commission. Il sera ainsi condamné in solidum avec le vendeur pour le versement de cette commission.
Pour aller plus loin : Récemment la jurisprudence a considéré que :
- La responsabilité de l’acquéreur qui a contracté en direct alors qu’il avait visité avec l’agent immobilier et connaissait l’existence du mandat (Cour d’appel de Douai 11 juin 2020 n°18/00540).
- La responsabilité délictuelle de l’acquéreur est subordonnée à la preuve de sa faute consistant en une manœuvre destinée à évincer l’agent immobilier de ses honoraires (Cour d’appel d’Angers 6 octobre 2020 n°17/01513).
- Doivent être sanctionnés à la fois le vendeur et l’acquéreur qui se sont entendus pour évincer l’agence immobilière et échapper au paiement des honoraires (Cour d’appel de Douai 10 septembre 2020 n°18/05931).
- L’agence immobilière évincée justifiant avoir fait visiter le bien à l’acquéreur est fondée à demander l’application de la clause pénale du mandat (CA Paris 2è cc, 12/03/20, n°19/00542).
- La clause figurant sur le bon de visite engage les acquéreurs à ne traiter la vente que par l’intermédiaire de l’agence et constitue un véritable engagement contractuel, à la condition que les caractères de ladite clause soient renseignés dans une police lisible afin d’attirer l’attention de son lecteur (CA Besançon, 11/06/2019, n°1800287) ;
- L’importance pour l’agent immobilier de faire signer un bon de visite (CA Bordeaux, 2è cc, 23/01/2020, n°16/01102). – « Même s’il n’est pas débiteur de la commission, l’acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l’agent immobilier, par l’entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur qui l’avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice » (CCass, Ass.Plei, 9/05/08, n°07-12.449) ;
- Les acquéreurs signataires d’un bon de visite, s’engagent contractuellement à ne régulariser la vente du bien que par l’intermédiaire de l’agent à l’origine de la visite (CA Douai, 1ère cciv, 4 juillet 2019 n°16-06411).